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Jean SEGURA                                                                                    

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Une première version de cet article a été publiée dans Inamag, Le magazine de l'image et du son n° 8, novembre 1998

Histoire du Journal télévisé à la télévision française

DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LA LUCARNE

par Jean SEGURA

Créé par des hommes de radio, le JT a vu passer des générations de journalistes: "politiques" ou spécialistes, insolents ou séducteurs, voici la saga des hommes et des femmes qui pendant 50 ans ont regardé la France au fond des yeux.

C'est sur l'initiative de Vital Gayman, alors directeur du journal parlé de la RTF, que Pierre Sabbagh, lui aussi homme de radio, est chargé de recruter en 1949 une équipe de quinze personnes (ils sont aujourd'hui 200 à France 2 et au moins autant à TF1). Mission à accomplir : fabriquer le journal trois fois par semaine d'abord, puis quotidiennement à partir d'octobre. L'équipe se forme : quelques journalistes venus essentiellement de Paris Inter comme Jacques Sallebert, Georges de Caunes ou Pierre Dumayet, un ancien élève de l'IDHEC lui aussi venu de la radio, Pierre Tchernia, de jeunes réalisateurs comme Jean Marie Coldefy ou Claude Loursais, quelques cameramen venus des actualités cinématographiques ou encore d'autres techniciens de l'image et du son. "A cette époque se souvient Georges de Caunes, la télévision était très mal vue des journalistes, surtout de ceux de la presse écrite". "Pour constituer son équipe, Pierre Sabbagh a eu du mal à trouver des volontaires parmi les journalistes de la radio" surenchérit Jacques Sallebert, car les gens de radio étaient connus et avaient leurs auditeurs fidèles, tandis qu'à la télévision, il n'y avait pratiquement pas de téléspectateurs". Pour G. de Caunes, ironique, "C'était rentrer dans la clandestinité".

L'arrivée de l'homme-tronc

Pendant les cinq premières années du JT, personne n'avait alors encore vu de présentateur faire directement le journal à l'écran comme cela semble tellement naturel aujourd'hui. Ce n'est qu'à partir de 1954 que des hommes comme Claude Villedieu, Claude Darget ou Pierre Dumayet font leur apparition par la petite lucarne. Ils sont suivis par d'autres poids lourds comme Léon Zitrone ou Maurice Séveno et parfois remplacés par Micheline Sandrel ou Danièle Breem : des femmes - c'est nouveau - mais qui n'arriveront pas à imposer leur marque comme sauront le faire à partir des années 80-90 les Christine Ockrent et Claire Chazal. Georges de Caunes, plein d'humour, reste pendant des années l'un des plus populaires de ces "hommes troncs", surtout lorsqu'il présente le JT avec son chien Eider que seule la caméra d'un réalisateur complice laisse découvrir couché à ses pieds à la joie des jeunes téléspectateurs et l'étonnement de leurs parents. "Ce chien était un contrepoint aux images des hommes, sanglantes, déprimantes ou démoralisantes, et son sommeil paisible comme une respiration" se souvient son maître.

En studio, d'autres figures prennent place pour présenter tour à tour le journal : aux côtés des Zitrone, de Caunes ou Séveno, il y a maintenant Georges Bortoli (qui deviendra le "soviétologue" d'Antenne 2), Michel Droit (futur académicien), François Gerbaud (futur sénateur), Joseph Pasteur, Michel Péricard (futur député- maire) et bien d'autres encore. Il a aussi l'arrivée sur le plateau de spécialistes. L'un des plus médiatiques, Frédéric Pottecher, se rend célèbre pour ses fameux compte-rendus de procès d'assise. Jeunes recrues de l'AFP, deux hommes apportent un ton nouveau : François de Closet réalise le difficile exercice d'expliquer les sciences et la conquête spatiale naissante aux téléspectateurs, tandis qu'Emmanuel de la Taille doit faire de même pour l'Europe, la défense et les grands dossiers économiques. Après les élections présidentielles de 1969 et la réforme insufflé par le nouveau Premier ministre Jacques Chaban Delmas, les informations des deux chaînes deviennent autonomes et en novembre les nouveaux JT prennent forme : J. Pasteur est rédacteur en chef avec Etienne Mougeotte et Philippe Gildas comme présentateurs à 19h45 pour Information 1ère et L. Zitrone à 20h30 pour 24 heures sur la Deux. Nouveau patron de l'information sur la Une, Pierre Desgraupes fait également rentrer des journalistes de la presse écrite ou de la radio comme François-Henri de Virieu ou Olivier Todd.

Un présentateur à l'américaine

Mais Pierre Desgraupes veut dynamiser le journal et cherche pour cela un homme qui pourrait jouer les "Walter Conkrite", présentateur populaire de la chaîne américaine CBS qui fait le journal en direct depuis son bureau. Le rédacteur en chef lui-même, Joseph Pasteur, est appelé à cette tâche et pour devenir d'octobre 1971 à juillet 1972 le présentateur unique d'un journal du lundi au vendredi qui donnera à nouveau une grande place aux images.

Après l'éclatement de l'ORTF qui ne prendra effet qu'en 1975, le 20h devient un terrain de concurrence entre les deux chaînes et on cherche des présentateurs capables d'incarner les Français, et qui ne soient plus seulement des chroniqueurs de l'actualité. A partir du 6 janvier 1975 et jusqu'au 20 décembre 1980, le 20h de TF1 va être présenté par Roger Gicquel. Homme de radio nommé par le rédacteur en chef de l'information Christian Bernadac, Roger Gicquel se souvient : "J'ai longtemps hésité car je n'avais jamais fait de télévision. Je ne connaissais pas cet outil et j'ignorais mes capacités dans ce domaine. Le "contrat" qui m'a été proposé était de présenter un journal personnalisé cinq jours sur sept. On ne relisait pas les papiers du présentateur qui était entièrement responsable de ce qu'il disait lui-même à l'antenne". Cela est en effet nouveau car poursuit Gicquel : "Il faut noter que les très fortes personnalités comme de Caunes, Darget, Zitrone ou encore l'extraordinaire Georges Walter n'avaient pas la régularité de la présentation que j'avais, car c'était souvent des présentations tournantes".

Sur Antenne 2, Jean Pierre Elkabbach, nommé Directeur des informations depuis 1977, choisit Patrick Poivre d'Arvor (PPDA) comme présentateur pour le 20h, fonction qu'il occupera jusqu'en 1983. Le 13h va aussi va prendre du relief sur TF1 avec la personnalité de Yves Mourousi (accompagné à partir des années 80 par Marie-Laure Augry), ses invités et ses directs depuis des villes étrangères comme Moscou et Pékin. C'est aussi l'apparition de nouveaux spécialistes : après le retour de E. de la Taille et F. de Closets, il y a maintenant des hommes et des femmes qui viennent présenter leur chronique sur le plateau du journal comme Patrice Duhamel (politique), Jean-Pierre Chapel (défense) et Jean-Pierre Berthet (justice) sur TF1 ou sur A2, Paul Lefèvre (justice), Martine Allain Regnault (santé), Laurent Broomhead (météo), France Roche (cinéma), Luce Perrot (livres) ou Pierrette Bress (courses hippiques).

La "reine" du 20h

La victoire de la gauche aux élections de 1981 va marquer le retour de certaines personnalités comme Pierre Desgraupes à la direction d'A2 et Maurice Séveno à la direction de l'information. Pour présenter le 20h, Desgraupes choisit Christine Ockrent, une femme d'origine belge quasi inconnue des Français, mais ayant un passé de journaliste confirmée à CBS aux Etats-Unis de 1969 à 1976, puis à FR3 et Europe 1. Comme elle le dit aujourd'hui, celle qu'on appelle encore la "reine Christine", son crédo n'était pas le vedettariat : " C'est un tout ! Le 20 heures, comme n'importe quel exercice de ce genre, ne tient pas seulement au "museau" du présentateur. Si le téléspectateur à l'impression qu'on fabrique pour lui un journal, c'est à dire un produit d'information qui l'intéresse et éveille sa curiosité, qui est rigoureux et qui en même temps n'est pas barbant, etc. Eh bien il viendra, il viendra! Cela m'a permis de prendre le journal alors que j'étais une quasi inconnue, alors que Patrick Poivre d'Arvor était déjà là depuis des années. Et cela n'a pas changé du tout l'audience. De la même manière que lorsque PPDA est parti (du 20h d'A2 en 1983) et qu'il a été remplacé par Bernard Rapp, ça n'a pas du tout modifié l'audience". En 1985, Christine Ockrent démissionne du 20h (suite au départ de Pierre Desgraupes) et est remplacée par Daniel Bilalian.

Il n'est pas rare que les présentateurs passent d'une chaîne à l'autre, voire fasse des aller retour comme le raconte Claude Sérillon : "Sur A2, je faisais quelques remplacements à la fin des années 70 aux journaux de 20h00 ou 23h00 très ponctuellement. En janvier 84, je suis parti chez TF1 à la demande de Jean Lanzi qui était le directeur de la rédaction et d'Hervé Bourges qui en était le président pour présenter le 20h00. J'y suis resté deux ans. Fin 85, je suis revenu à A2, sur la demande de Pierre Henri Arnstam (qui est l'actuel directeur de l'information) et de Jean Drucker qui en était le PDG. J'y suis resté jusqu'en juillet 1987 et à partir de là j'ai fait des magazines".

L'obsession du prime time

En 1986, une autre femme fait son entrée sur le plateau du 20h, de TF1 cette fois-ci : Marie-France Cubadda (ex-RFO en Nouvelle Calédonie) n'y fait qu'un court passage pour rejoindre l'équipe du journal de la Cinq en 1987. Devant l'offensive de la nouvelle chaîne privée, TF1 réagit en attirant des stars d'A2 dont Patrick Poivre d'Arvor et Christine Ockrent, laquelle retourne à A2 en 1988. De son côté TF1 va mettre l'accent sur son 13h avec Jean-Pierre Pernault, toujours en place sur cet horaire depuis 1988. D'autres figures font leur entrée en scène comme Guillaume Durand qui anime à partir de 1990 le "Turbo de l'info" sur la Cinq, un journal du soir (qui cessera en 1992) où viendront se succéder des présentateurs comme Gilles Schneider, Jean-Paul Bourret ou Béatrice Schönberg.

Mais les temps et les mœurs changent : la promotion et le remplacement des présentateurs opère alors par le jeu des sympathies, des habitudes de collaborations ou des inimitiés, mais aussi par l'audience et l'effet produit sur le public, plus que pour des raisons d'étiquette politique. Pour Claude Sérillon, limogé du JT d'A2 en juillet 1987 : "C'est du passé. Je ne veux pas revenir là-dessus. Il y avait un PDG et un Directeur qui ne m'aimaient pas, une conjonction d'humeur partisane et politique, qui n'avait rien à voir avec Jacques Chirac (alors premier ministre) d'ailleurs ni avec personne d'autre, il faut le dire. J'étais "symbolique" et on ne sait pas toujours pourquoi on le devient." Depuis août 98, Claude Sérillon est revenu présenter le 20h d'A2… face à l'inoxydable PPDA en poste depuis 1987 sur TF1.

Jean SEGURA

 

L'histoire du Journal télévisé à la télévision française : les chapitres

   PARCOURIR LE MONDE EN TRENTE MINUTES

   FILMER PLUS LOIN, MONTRER PLUS VITE

   DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LA LUCARNE

   COUPS DE CISEAUX ET COUPS DE GUEULES

   DU PREMIER JOURNAL À L'INFO MULTI-CHAINES

   Jacques SALLEBERT - Interview

   Georges DE CAUNES - Interview

   Roger GICQUEL - Interview

 

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