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Jean SEGURA                                                                                    

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Les Soft Machine au 33 rue Notre-Dame de Lorette.

par Jean SEGURA

Les Soft Machine groupe d'origine en 1967 : Kevin Ayers, Robert Wyatt, Mike Ratlege, Daevid Allen. © DR

8 novembre 2014

Rencontre fortuite le Dimanche 8 octobre 1967 avec trois musiciens de Soft Machine, quand le Swinging London s'invite chez mes parents le temps d'une soirée télévisée

Juillet 1967, Summer of Love sur toute ma planète, les Soft Machine se produisent au Festival de la Libre expression à Saint-Tropez. Le groupe, alors inconnu, passe en première partie du spectacle donné par Jean-Jacques Lebel : Le Désir attrapé par la queue ; de Pablo Picasso avec la « tragédienne du strip-tease » Rita Renoir et son mari chauve Jacques Seiler. Ma cousine, journaliste au Nouvel Observateur et de dix ans mon aînée - familière du « portrait à vif » qui a déjà John Lennon et Salvador Dali dans son tableau de chasse - aborde les Soft sans complexe.

Mike Ratledge et Robert Wyatt à l'enregistrement de Dim Dam Dom, diffusée à la Télévsion Française sur la 2ème Chaîne, le dimanche 8 octobre 1967. © INA

Les Futurs "Beatles"

L'article sort sous le titre Les Futurs Beatles le 11 septembre 1967 dans la rubrique « Les bruits de la ville » (voir ci-dessous). Et les Soft reviennent bientôt en France dans un Paris qui répercute avec quelques mois de retard la vague créative du Swinging London des sixties. La Télévision Française (qui a déjà raté les Beatles et les Rolling Stones lorsqu’ils étaient venus, alors quasi-inconnus en 1964) ne peut plus ignorer que la musique d’outre-Manche ne se limite pas aux bluettes de Petula Clark. Les Soft, invités de l’émission de Daisy de Galard Dim Dam Dom Variétés, enregistrent – en couleur - une session qui doit être diffusée dans la soirée du dimanche 8 octobre 1967 sur la 2ème Chaîne.

Mike Ratledge aux claviers - émission Dim Dam Dom sur la 2ème Chaîne, 8 octobre 1967. © INA

Dim Dam Dom ouvre ses studios

En fin de cette journée du 8 octobre, ma cousine (qui n’a pas la télé) appelle à la maison et me demande si elle peut passer avec ses « copains », les Soft Machine ? Les musiciens voudraient vraiment voir leur passage sur le petit écran des « frenchies ». Coup de chance, mes parents sont de sortie ce soir-là et j’accepte de recevoir discrètement ces « nouveaux Beatles ». Nous n’avons qu’une télévision en noir et blanc, mais cela fera l’affaire (la couleur n’a commencé à émettre sur la 2ème que depuis le 1er octobre 1967) . Les Soft Machine débarquent rue Notre-Dame de Lorette vers 21 h. Et moi, ado de 18 ans, j’ouvre la porte à Daevid Allen, qui semble vivre une romance avec ma cousine, Robert Wyatt (pas encore en fauteuil roulant) et un troisième (sans doute Mike Ratledge).

 

Le guitariste Kevin Ayers maquillé comme un diable - émission Dim Dam Dom sur la 2ème Chaîne, 8 octobre 1967. © INA

Batteur et chanteur du groupe Soft Machine : Robert Wyatt en pleine session - émission Dim Dam Dom sur la 2ème Chaîne, 8 octobre 1967. © INA

 

La gentillesse de Robert Wyatt

Ces musiciens hyper-chevelus - qui auraient fait peur à papa et maman - resteront assis tranquillement le temps de leur passage à l’antenne. Puis ils repartiront bien gentiment après des remerciements très « british ». Je me souviens encore de la gentillesse de Robert Wyatt et du sourire de Daevid. Les Soft Machine ne sont jamais devenus les nouveaux Beatles. Je ne suis pas sûr de bien connaître leur musique. Mais il m’en restera ce souvenir bien vivant.

Jean SEGURA

Daevid Allen, artiiste australien, membre fondateur de Soft Machine puis du groupe Gong. © DR

 

J’ai retrouvé sur le site de l’INA les extraits de leur passage à l'antenne le soir du 8 octobre 1967 :

1. Soft Machine "Improvisation musicale" Dim Dam Dom Variétés, Dimanche 8 octobre 1967, ORTF, 2ème Chaîne. Réalisation : Gérard Pires.

En plateau, les SOFT MACHINE, composé d'un batteur (Robert WYATT), d'un pianiste (Mike RATLEDGE) et d'un guitariste (Kevin AYERS), vêtus et maquillés de façon excentrique, improvisent un morceau instrumental. video.html

2. Soft Machine variation sur "Hope for happiness". Dim Dam Dom Variétés, Dimanche 8 octobre 1967, ORTF, 2ème Chaîne. Réalisation : Gérard Pires.

En plateau, SOFT MACHINE, composé d'un batteur (Robert WYATT), d'un pianiste (Mike RATLEDGE) et d'un guitariste (Kevin AYERS), vêtus et maquillés de façon excentrique, interprète une variation sur "Hope for happiness".

Dim, Dam, Dom - émission culte de l'ORTF produite par Daisy de Galard qui a su exprimer la modernité et le changement des mœurs entre 1965 et 1970. © INA

Dim, Dam, Dom est une émission de télévision française destinée au public féminin, produite par Daisy de Galard avec la collaboration de Michel Polac, Marc Gilbert et Peter Knapp à la réalisation. Elle est diffusée du 7 mars 1965 jusqu'en 1970 sur la deuxième chaîne de l'O.R.T.F. Son titre résume son concept : "Dim" pour dimanche, "Dam" pour dames et "Dom" pour d'hommes.

Les Futurs Beatles, Yvette Romi, Le Nouvel Observateur - 11-septembre 1967 – Rubrique Les Bruits de la ville. © Le Nouvel Observateur

Les Futurs Beatles, l'article du Nouvel Observateur

"What do you want? What do you really want? Soft machine... Soft machine..." Une tendre voix de femme annonce à l'Electric Garden Club de Londres le nouveau "pop group" anglais "The soft machine". Il est en passe, dit-on, de détrôner les Beatles. Du coup, on dit les "Soft" alors qu'il faut dire la "soft machine" (titre d'une oeuvre de William Burroughs qui sera bientôt traduite en français). Ils sont quatre - que voici.

Daevid (avec un e, parce que ça fait plus moyen-âgeux) Allen : guitare, poèmes publiés dans "The Village Voice", le journal de Greenwich Village ; rêve de musique électronique, surnoms : Daevid-of-the-moon, Daevid Allen the alien (l'étranger) car il est australien ; le plus attirant des quatre : béret écossais, veste bleue à col-fraise Henri IV, allure de Lord. Kevin Ayers, véhément, romantique ; guitare ; collier de grosses perles de bois jaune, acheté aux Puces ; tunique verte de sultan ; poète lui aussi. Mike Ratledge : petites lunettes bleues ; grand chapeau noir, veste de fourrure blanche ; joue de l'orgue avec générosité, diplômé d'Oxford ; étude de philosophie et de littérature : pianiste classique et de jazz ; joue Stockhausen, Erik Satie et Cecil Taylor. Robert Wyatt : batteur ; jabot de dentelle ; tunique de cuir ; doux et doué ; peintre.

La première fois que je les ai entendus, c'était à Saint-Tropez où ils passaient en première partie du spectacle Picasso que présentait Jean-Jacques Lebel. Une musique violente, poétique, pleine d'humour, de "banana humour" selon eux, car, disent-ils, "connaissez-vous un fruit plus absurde que la banane ?". Ils ont tous les culots : par exemple, ils jouent pendant vingt minutes les cinq mêmes notes en chantant imperturbablement "I did it again" (j'ai recommencé). C'est drôle, mais c'est aussi très beau. Comme sont belles leurs chansons (ils en ont composé une centaine) sur les filles qu'ils ont eues, sur celles qu'ils n'ont pas eues, sur l'angoisse, sur l'amour, sur les lacs noirs ou les lacs blancs de leur vie. Ils improvisent constamment, ils changent brusquement de rythme, ils râlent, sifflent, hurlent, chuintent : tout leur est bon.

Aujourd'hui, pour les "Soft", c'est la gloire naissante. Ils ont joué au "Star Club" de Hambourg - où ont débuté les Beatles. Radio-Caroline passe régulièrement leurs disques. Ils ont fait des tournées dans toute l'Angleterre. Ils ont participé au "Technicolor dream", folle soirée qui eut lieu à l'Alexandra Palace de Londres, un soir de pleine lune, en mai dernier. C'est là que naquit le mouvement des "beautiful people" (célébré par les Beatles dans leur dernière chanson), ces garçons et ces filles vêtus d'habits orientaux et chargés de bijoux, qui distribuent des fleurs aux passants en leur disant : "Aimez-vous." Ils ont joué à la nuit psychédélique de Saint-Tropez et à Gassin, sous le chapiteau du "Désir" de Picasso. Ils se sont produits ces jours-ci au Festival d'Edimbourg et viendront peut-être en octobre à Paris pour la Biennale.

Yvette Romi, Le Nouvel Observateur - 11-septembre 1967 – Rubrique Les Bruits de la ville.

 

Daevid Allen, Soft Machine, sourire et gentillese. © DR

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